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Comment promouvoir la pratique du vélo d’hiver ? Comment augmenter le taux de rétention des cyclistes en hiver (actuellement aux alentours de 13,6%)? L’équipe de veloinfo.ca a développé une idée ancrée dans le réel: informer les cyclistes de l’état des pistes cyclables pour que celles-ci soient empruntées.

«Veloinfo.ca», c’est une carte qui informe rapidement les cyclistes sur : 1) le réseau cyclable existant, ce qui permet de planifier ses déplacements, 2) observer la «praticabilité» des pistes et routes et prendre les décisions en fonction de ces informations.

Dans un pays où on ne se pose à peu près jamais la question de savoir si on peut ou non prendre sa voiture, même en cas de grosses accumulations de neige, où des chroniqueurs radio informent constamment les automobilistes de «l’état du trafic», cet outil, pour les cyclistes et par les cyclistes, nous apparait comme une belle opportunité pour la communauté. À saisir pleinement.

Comment ça marche ? Comment bien utiliser cette nouvelle plateforme ? Quels sont les buts et les ambitions de veloinfo.ca ? Nous avons eu le plaisir de rencontrer Chantal Morin, co-initiatrice du projet et qui nous explique tout ce qu’il faut en savoir.

L'entrevue

Bonjour Chantal, peux-tu te présenter et nous dire en quelles qualités tu réponds à ces questions ?

Je suis une des co-initiatrices du projet «veloinfo.ca». J’ai un parcours de designer produit. L’histoire commence au mois de septembre 2022, dans un contexte de «Hackaton». C’est une compétition de programmation. Des municipalités, des entreprises ou des institutions proposent des défis à des volontaires qui se regroupent pour proposer des solutions. Notre équipe de 5 s’est «trouvée» : on était sensibles au sujet de la crise climatique, on a répondu au défi de la ville de Montréal qui était le suivant «Proposer une solution (numérique) pour favoriser la pratique du vélo quatre saisons.

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On ne faisait pas de vélo d’hiver. Je suis une cycliste de plusieurs types : je me déplace à vélo, je fais quelques courses aussi. Cependant, j’avais essayé il y a dix ans le vélo d’hiver, mais je n’étais pas super bien équipée et j’avais eu peur. Depuis, je m’y suis remis!

Pendant dix jours, on s’est renseignés sur ce qui favorise(rait) le vélo d’hiver. On a regardé sur Facebook, sondé des «pratiquants» et des expertes. On a vu par exemple des comportements «organiques» qui ressemblaient à une cartographie : des gens qui partageaient une photo, l’état de la route et commentaient pour préciser si la glace était praticable ou pas.

Ça nous a intéressé et au bout de dix jours, on a présenté notre solution. On a fini deuxièmes !

Présente-nous le site : quelles sont les informations disponibles, comment les lire ?

Comment bien utiliser la carte ?

Sur la carte, on commence par identifier les différentes infrastructures cyclables. La légende est disponible à ce propos. Il y a les caméras de surveillance, qu’on a pu intégrer parce que c’est en données ouvertes. Ces caméras sont cependant rarement orientées vers les pistes cyclables. Les caméras peuvent quand même donner une idée de l’état des routes si jamais il n’y a pas encore de contribution de cyclistes.

Les points ajoutés respectent un code couleur : vert c’est praticable, ça passe. Jaune, c’est «conduite défensive», ça passe, mais tranquillement. Rouge, c’est impraticable. Parce que ça n’est pas déneigé, parce qu’il y a un obstacle trop important.

Sur chaque point, il est possible de trouver une photo qui rendra compte de l’état de la piste.

Sur le haut de la page, au centre, il y a un filtre qui permet de voir les points commentés selon une échelle de temps.

Ainsi, une personne voulant consulter la carte pour l’état de la route peut suivre son trajet habituel et déterminer si elle prend le vélo, selon ses critères.

Lire plus : «Qu’est-ce que la conduite défensive ?»

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On voit ici sur la gauche la carte de Montréal, où les pistes cyclables sont bien identifiées. Les flocons colorés les représentent et indiquent l’état de la piste

Les cyclistes peuvent laisser une photo, et des commentaires aussi.

Les gens consultant la carte peuvent ouvrir chaque flocon pour se rendre compte de l’état du déneigement, des commentaires.

Enfin, ceux qui passent après la publication, peuvent l’appuyer («encore là») ou la considérer comme «périmée», ce qui signifierait que les conditions ont changées.

Les bénéfices attendus, les ambitions

Mieux informer les cyclistes pour les encourager à prendre leur vélo, c’est un bon début. L’équipe de veloinfo.ca a cependant été plus loin avec l’ambition de créer un cercle vertueux pour la pratique du vélo. Explications.

Si Veloinfo veut «activer» les cyclistes, l’application vise aussi à appliquer une rétroaction auprès des services municipaux, voire même à «l’activer». Peux-tu nous en dire plus à ce propos ?

L’un des points importants pour nous, ça a été de viser une rétroaction avec les gens qui s’occupent du déneigement. Ce sont des humains, et parfois, ils se posent des questions sur leurs actions. «Pourquoi je déneige une piste cyclable ? Y a pas de cyclistes!».

Oui, c’est un des arguments démontés dans le livre de Stein Van Oosteren «Pourquoi pas le vélo?» : les pistes cyclables fonctionnent en fait trop bien, il n’y a jamais de bouchons-là. Parce que c’est une réussite et qu’il y a une vraie mobilité, ça rend les cyclistes «invisibles». Tout un paradoxe !

Exactement ! Si on continue le raisonnement, c’est aussi le cercle vicieux : pourquoi y a-t-il moins de cyclistes en hiver ? Parce que c’est pas déneigé. Pourquoi ce n’est pas déneigé ? Parce qu’il «n’y a pas de besoin». Ainsi, montrer qu’il y a une corrélation entre la qualité du déneigement et l’utilisation des pistes, c’est créer un autre type de raisonnement et un cercle vertueux. De meilleures infrastructures, mieux déneigées, encouragent les cyclistes à les emprunter, qui, en «mappant» les déplacements, montrent qu’il y a un réel besoin, et par conséquent un service à rendre aux citoyens : le renforcement positif engendre un meilleur déneigement, etc. L’ambition de veloinfo.ca, c’est de démontrer et prouver que le déneigement est un besoin important.

Ce sera aussi une motivation pour les équipes. Encore une fois, ce sont des humains. De montrer des signaux encourageants, des remerciements, des «bel ouvrage!», ça motive.

Êtes-vous reconnus par la ville ? Utilisés ?

On a cherché à intégrer notre plateforme dans les systèmes municipaux. Mais c’est tellement de strates de plateformes que c’est difficile d’implanter des nouveaux systèmes. L’an passé, on a pu cependant bénéficier d’un projet pilote dans Ville Marie. Quelqu’un dans l’équipe était déjà impliqué dans la mobilité active et nous a mis en contact avec certains cols bleus qui déneigent. Ils ont commencé à l’utiliser, à aller voir les commentaires, à voir les zones «problématiques». Les jours de tempête et tout de suite après, ils reçoivent énormément de signalements au 311. C’est traité par une grande liste de courriels. C’est «rouge partout!». Ils filtrent une ou deux journées après pour vérifier. En utilisant la plateforme, ça commence à devenir intéressant parce que ça offre un visuel rapidement exploitable.

Les cols bleus recherchent autant les enjeux et les problématiques, mais aussi les bons coups. La carte peut leur donner cela, grâce notamment aux commentaires.

C’est quoi les ambitions de veloinfo.ca?

La carte fonctionne bien, partout au Québec. Des gens l’ont utilisé à Québec pour signaler la fonte des neiges sur les pistes par exemple, pour dire «là ça passe, la saison est commencée!». On a commencé à voir quelques points sur la rive sud, à Sherbrooke. Elle repose cependant sur le volume d’informations. Si je suis toute seule à donner des infos, à un moment, je risque d’être découragée. Est-ce que ça sert ? J’ai aidé quelques personnes, mais… qui m’a aidée? Par conséquent, l’une des ambitions est de faire connaitre l’application et qu’elle soit employée, adoptée par les cyclistes.

Ensuite, on aimerait créer un système à l’image de «google trafic». Au lieu de ne voir que des points, on imagine une carte avec des segments complets, verts, jaunes ou rouges : ils n’indiqueraient pas le trafic mais la qualité du déneigement. Et ces segments continueraient à jouer leur rôle d’indicateurs, de besoin d’opération de sécurisation de la voie. Il y a beaucoup de choses possibles avec cette application, mais pour l’instant, c’est un projet entièrement bénévole, avec une petite équipe.

Ouah ! Ce serait fantastique ça ! Une belle belle ambition. Merci pour tout à toi et à la petite équipe qui a très bien travaillé !

Le voeu et l’ambition de Dumoulin, on ne te le cachera pas, est de faire connaitre et adopter la carte interactive et de voir ce projet s’épanouir dans la communauté. Félicitations, et bon hiver en vélo !

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Capture d'écran de la carte de Sherbrooke, prise le vendredi 8 décembre 2023

Ressources

Gervais (J.), Lapointe (J.), Kingsbury (C.), Bernard (P.), Le Climatoscope, oct. 2021, Faire d’une pierre trois coups avec le vélo d’hiver : plaisir, santé et lutte contre les changements climatiques.

Vélo Québec, Campagne «Hiver à vélo»

Les pistes cyclables de Montréal, avec le réseau accessible en hiver.

Carte du réseau cyclable de Longueuil, en été ou en hiver! À la différence de la carte de veloinfo, ce ne sont pas les cyclistes qui donnent des informations. Ce n’est pas une affirmation «négative», au contraire.

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